Faire communiquer entre eux tous les acteurs de l’imagerie pour favoriser l’innovation française Leave a comment

Dans la mouvance de la start-up nation chère au Président Macron, les Comités Stratégiques de Filières (CSF) représentent les bras armés institutionnels de l’innovation en France. Nous avons rencontré Christophe Lala, ancien Directeur de General Electric Europe pour l’imagerie médicale, qui, depuis juin 2021, est co-responsable de la filière imagerie du CSF Santé. Il évoque pour nous les objectifs d’une telle initiative et les secteurs sur lesquels travaille son équipe.

Thema Radiologie : Vous avez une solide carrière dans le domaine de l’imagerie médicale. Pouvez-vous en retracer les temps forts pour nos lecteurs ?

Christophe Lala : J’ai effectué l’essentiel de mon parcours professionnel chez General Electric Healthcare (GEHC). J’ai débuté dans le développement de produits en imagerie, puis dans la vente et le marketing pour la France, suivi d’un poste de direction commerciale. Expatrié à Londres, où j’ai dirigé une équipe commerciale de vente de dispositifs de monitorage des signes vitaux et des premiers produits « low cost » pour GEHC Europe, Moyen-Orient, Asie (EMEA). J’ai ensuite émigré à Istanbul, pour une expérience très enrichissante de direction GEHC IRM pour une large région géographique qui allait de la Russie à l’Afrique et à l’Asie centrale et au Moyen-Orient. J’y ai beaucoup appris, en termes de modèles de distribution, de culture commerciale. Retour ensuite en Europe pour m’occuper du scanner, des gamma camera, du PET et des consoles de post-traitement. J’ai occupé, les sept dernières années de ma carrière chez GEHC, le poste de Directeur Général Europe de l’Ouest et Président de GEHC France.

T.R. : Vous venez de quitter le géant américain pour devenir consultant indépendant. Et avez été invité à prendre des responsabilités dans la structure dénommée Comité Stratégique de Filière en Santé (CSF Santé). Quelles sont les prérogatives de ce Comité ?

C.L. : Depuis juin 2021 effectivement, je contribue au développement de l’écosystème français du dispositif médical, orienté imagerie, dans sa dimension équipement et Santé digitale. Et c’est dans ce cadre que je pilote le groupe Imagerie du CSF Santé. Ce programme institutionnel est peu connu, pourtant il existe depuis de nombreuses années pour l’ensemble des filières industrielles, incluant la santé, dans les segments de la pharmacie et des dispositifs médicaux. Les CSF sont chapeautés par la Premier Ministre qui délègue aux Ministères compétents pour chaque filière, le ministre des Solidarités et de la Santé pour le CSF Santé. La filière imagerie a été créée en juin 2021et j’en suis co-responsable avec Thierry Lemoine (Thales). Il s’agit de créer une dynamique de développement et de synergies entre les fabricants de produits français pour leur permettre d’avoir un rayonnement dans le monde.

T.R. : Comment cela se concrétise-t-il en pratique ?

C.L. : Le ministère a donné la responsabilité du pilotage du CSF Santé à la Fédération des Industries de Santé (FEFIS), dont font partie notamment le SNITEM ou Medicen, laquelle détermine les projets et la feuille de route pour contribuer au développement de cette activité. C’est donc une initiative publique qui est pilotée par les industries de Santé concernées. Je trouve cette initiative très pertinente car cela oblige les acteurs de la Santé d’être proactifs et contributifs à une ambition industrielle stratégique, plutôt que d’être uniquement critiques. Il faut aujourd’hui créer des alliances entre des industriels, des strart-up, des grands groupes pour qu’ils collaborent dans des projets communs. Toutes les pépites historiques comme Thomson, CGR, Sopha, Supersonic ont été rachetés par des groupes étrangers.

T.R. : Vous œuvrez, en quelque sorte, pour regrouper des sociétés concurrentes, si je vous suis bien. N’est-ce pas un peu utopique ?

C.L. : Concurrents, mais pas que ! Il s’agit plutôt de diversifier les portefeuilles de chacun, ou de réunir des acteurs qui ont des portefeuilles adjacents afin qu’ils élargissent leurs activités, qu’ils soient plus solides pour investir les marchés internationaux. Pourquoi les grands groupes en imagerie médicale sont-ils aussi puissants aujourd’hui ? Parce qu’ils ont su dimensionner une offre de produits très complémentaire et très diversifiée. Ainsi, lorsqu’une ligne de produits est moins performante, les portefeuilles adjacents permettent de tenir. Il faut que les groupes français intègrent des start-up pour créer de l’innovation et exister à l’international. La start-up nation c’est bien, mais ce n’est pas suffisant.

T.R. : Quel est votre rôle au sein du CSF Santé de la filière imagerie ?

C.L. : Nous avons constitué la feuille de route des projets à mettre en œuvre selon plusieurs thématiques transverses. Citons par exemple la création de mutualisation des ressources qui touchent à la certification, à la conformité, à l’industrialisation de prototypes, ainsi que la réduction des coûts initiaux de développement. Citons aussi les équipements hybrides, qui sont, à mon avis, les porte-drapeaux du savoir-faire français, par l’expérience acquise dans le traitement des données images. Il s’agit de coupler deux technologies pour fusionner les images, comme cela existe déjà, mais en allant plus loin, en proposant en temps réel une imagerie morphologique, une imagerie fonctionnelle pour guider un traitement thérapeutique simultané. On pourrait imaginer par exemple un contrôle fonctionnel ou en haute définition en temps réel durant une séance de radiothérapie. En radiologie interventionnelle, le champ d’innovation couvre, entre autres, la réalité augmentée, l’IA, les objets connectés. Pour le bloc opératoire connecté, le savoir-faire français est très intéressant aujourd’hui. Un autre thème important est la Santé digitale, avec notamment l’IA pour l’aide au diagnostic ou pour la médecine préventive.

 

T.R. : Un sujet est peu abordé aujourd’hui concernant l’IA, c’est sa capacité à modéliser les flux de patients selon l’environnement ou les habitudes des patients notamment…

 

C.L. : C’est en effet un sujet très pertinent à traiter. L’hôpital n’est pas une machinerie 2.0. Il faut faire en sorte que les soignants se concentrent sur le soin aux patients. Ce n’est pas pour sortir l’humain de l’hôpital, mais bien au contraire, pour que les soignants ne passent pas la plupart de leur temps sur des ordinateurs, ou pire, sur des feuilles de papier. Il y a des gisements énormes d’efficience en France sur ce thème. Ce sont beaucoup de chantiers à mener, mais, pour y arriver, ma première mission est que les acteurs et les industriels, petits et grands, se parlent. Et ce n’est pas une mince affaire.

De plus, Il faut je crois, poursuivre le travail de collaboration entre les autorités de Santé, l’industrie, les professionnels de santé et les patients, pour améliorer notre système de santé en France.

Propos recueillis par Bruno Benque

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