Une nouvelle piste dans la trisomie 21… Leave a comment


Sciences 01/09/2022

Pour la première fois, des chercheurs français et suisses ont démontré l’implication dans le processus cognitif d’une hormone déjà utilisée dans le traitement des troubles de la puberté. Un essai clinique chez des patients porteurs de trisomie 21 doit démarrer d’ici la fin de l’année.

A défaut de guérir la trisomie 21, l’on pourrait d’ici quelques années disposer de nouvelles thérapies à même d’améliorer les symptômes cognitifs des patients atteints. Deux essais cliniques doivent démarrer en Europe d’ici la fin de l’année. L’un est promu par la société bordelaise Aelis Farma et testera l’efficacité d’un inhibiteur spécifique de la signalisation d’un récepteur cannabinoïde sur la mémoire de travail (1). L’autre s’appuiera sur les travaux d’une équipe Inserm lilloise et de chercheurs du CHU Vaudois à Lausanne, sur une hormone, la GnRH (Gonadotropin-Releasing Hormone). Cette hormone impliquée dans la régulation des fonctions liées à la reproduction est déjà utilisée comme thérapie de certains troubles de la puberté, produite par le laboratoire Ferring, sans effet secondaire majeur connu. La démonstration de son implication et de son potentiel dans les troubles cognitifs fait aujourd’hui l’objet d’une publication dans Science (2).

Restauration de connexions cérébrales

C’est en étudiant la déficience en GnRH dans le cadre d’un projet européen coordonné par Nelly Pitteloud, chef du service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme du CHUV, que les chercheurs ont eu l’idée d’étudier son effet sur les troubles cognitifs : des troubles dont la gravité tend à s’accroître à l’âge adulte chez les personnes atteintes par des maladies du neurodéveloppement. « Nous avons démontré que quatre micro-ARN codés par des gènes du chromosome 21 jouent un rôle fondamental dans le contrôle de l’expression de la GnRH par les neurones. D’où l’hypothèse qu’un chromosome 21 supplémentaire pourrait perturber la sécrétion neuronale de la GnRH », indique Vincent Prévot, responsable du laboratoire Inserm Développement et plasticité du cerveau neuroendocrine à Lille. S’appuyant sur des financements de l’ANR, son équipe a ainsi étudié l’effet de l’administration de GnRH à des souris modèles de la trisomie 21 humaine. L’amélioration des fonctions cognitives chez les animaux traités a encouragé ses partenaires du CHUV à conduire un essai pilote chez sept patients, des hommes âgés de 20 à 50 ans porteurs d’une trisomie 21. Une pompe leur a été implantée au niveau du bras, délivrant durant six mois une dose d’hormone toutes les deux heures. Chez six d’entre eux, les chercheurs ont constaté une amélioration significative de certaines fonctions cognitives (représentation tridimensionnelle, fonctions exécutives, attention) mesurées notamment par le test MoCA (Montreal Cognitive Assessment). En outre, l’imagerie par IRM fonctionnelle a montré chez les patients de l’étude la restauration de certaines connexions cérébrales altérées chez les patients porteurs de trisomie 21, par exemple entre la zone visuelle et la zone sensori-motrice.

Une étude confirmatoire attendue

« Ces données ne doivent surtout pas être une incitation pour les médecins à prescrire la GnRH hors indication ! insiste le Pr Pitteloud. Bien que très enthousiasmants, ces résultats doivent absolument être confirmés par une étude plus vaste, incluant des femmes et un bras contrôle ». Celle-ci devrait démarrer dans le courant de l’automne 2022, et inclura 50 à 60 patients adultes qui seront traités à Lausanne et à Bâle, selon le même protocole d’administration de la GnRH par pompe pulsatile durant six mois. Un suivi de six mois est prévu pour évaluer la durée d’efficacité de l’hormone. « Le laboratoire Ferring, qui avait déjà fourni le traitement pour l’étude pilote, va également le mettre à disposition gratuitement pour cette étude clinique : nous l’en remercions vivement, car le médicament représente une part importante de son coût », salue Nelly Pitteloud. L’industriel aurait en revanche déjà prévenu ne pas vouloir s’engager dans des développements en neurologie. Mais les découvertes de l’équipe lilloise ayant déjà fait l’objet d’un brevet, la création d’une start-up est envisagée.

Julie Wierzbicki

(1) Voir la présentation de la société Aelis Farma dans Pharmaceutiques n°294

(2) “GnRH replacement rescues cognition in Down Syndrome”, Science 1er septembre 2022

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