21 Croix-Rouge : des entrepreneurs sociaux inventent la santé de demain Leave a comment


Dans l'accélérateur 21 de La Croix-Rouge. Source : 21.

Dans l’accélérateur 21 de La Croix-Rouge. Source : 21.

 

Samah Ghalloussi est data scientist de formation, c’est-à-dire spécialiste de la donnée. Elle a créé en 2020 Aalia.tech, un assistant numérique qui facilite la conversation entre un praticien et un patient non-francophone. La solution traduit les questions du professionnel dans la langue natale du patient en prenant en compte le contexte médical et culturel.  « Énormément de praticiens rencontrent la problématique de la barrière de la langue », explique Samah Ghalloussi. « Tous les jours, il y a des gens qui consultent sans bien parler ou ne parlant pas du tout le Français ».

Un projet développé avec la Croix-Rouge

Pour développer son projet, la jeune femme a intégrer en 2020 un des programmes de l’accélérateur 21 de la Croix-Rouge. Elle a bénéficié d’un accompagnement et a pu tester sa solution dans les camps de migrants à Calais et Grand-Synthe lors d’actions sanitaires menées par la Croix-Rouge. Sa solution, désormais commercialisée, a vocation à être utilisée en établissements sanitaires comme lors d’actions de terrain. Samah Ghalloussi répond donc à une problématique d’accès à la santé importante puisque en 2020, en France, 7,6 % de la population est étrangère d’après l’Insee.

Samah Ghalloussi, fondatrice de Aalia.tech. Source : 21.Samah Ghalloussi, fondatrice de Aalia.tech. Source : 21.

Comme Samah Ghalloussi, de nombreux entrepreneurs sociaux, souvent dans le domaine de la santé, ont été accompagnés par l’accélérateur 21. Car, oui : même un mastodonte comme la Croix-Rouge française, vieux de 150 ans, se met en mode startup. L’association a créé en 2019 cet accélérateur d’innovation sociale en partenariat avec Nexem. Elle l’accueille au sein  de son campus situé à Montrouge dans les Hauts-de-Seine.

Un écosystème d’entrepreneurs

Les bureaux de 1 000 mètres carrés de 21 reprennent les codes décoratifs de l’univers startup : flex-office, mobilier en bois. Ils accueillent surtout un écosystème surprenant d’entrepreneurs sociaux ! En effet, l’accélérateur 21 propose divers programmes d’accompagnement pour des projets à impact social portés par des entrepreneurs mais aussi par des salariés et bénévoles de la Croix-Rouge. Depuis 2019, 50 projets ont été accélérés. 

Ces projets peuvent ensuite être testés directement au sein de la Croix-Rouge, dans les différents établissements médico-sociaux ou lors des actions de terrain. Il s’agit d’une logique gagnant-gagnant car la Croix-Rouge peut profiter de l’innovation et pour les entrepreneurs, le projet peut être testé directement au sein du réseau de l’association.

Dans ce dispositif, la santé a une place centrale puisqu’il s’agit d’un des champs d’action de la Croix-Rouge française. Solutions face aux déserts médicaux, amélioration de la prise en charge par l’intelligence artificielle… L’accélérateur réfléchit donc à la santé de demain pour qu’elle soit plus juste et accessible.

Pour répondre à ces problématiques, 21 souhaite attirer des profils différents, hors du champ d’intervention habituel de la Croix-Rouge. C’est d’ailleurs le cas de Samah Ghalloussi qui travaillait auparavant au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives. L’entrepreneuse estime, elle aussi, qu’il est important que des profils comme le sien, venus de l’ingénierie, des sciences, s’intéressent à la thématique de la santé pour tous : 

En tant que data scientist, on peut utiliser nos connaissances dans n’importe quel domaine comme le marketing ou les voitures autonomes. Là, nous allons mettre nos compétences pour faire quelque chose d’utile, qui a de l’impact.”

Quel est l’intérêt d’avoir des profils variés ?

Cette idée est complètement partagée par l’accélérateur 21 qui accueille, au sein de ses programmes, des projets portés par des personnes ne venant pas forcément du monde médical. D’ailleurs, Anna Loaëc, responsable du programme Impact Data, en est convaincue : « il faut aller chercher à l’extérieur des solutions qui auront été confrontées à d’autres environnements et qui pourront apporter d’autant plus à la Croix-Rouge ». 

Le programme qu’elle supervise, Impact Data, vise à trouver des solutions en faveur de l’accès à la santé numérique, pour faire face à la dématérialisation de tous les services et notamment de la santé : « l’accès à la santé va être de plus en plus conditionné au fait de pouvoir, de savoir utiliser les outils numériques. C’est cet axe là que nous avons étudié avec les professionnels », explique-t-elle. Parmi les lauréats de ce programme, on retrouve notamment Reconnect qui propose un espace numérique pour conserver ses documents et ainsi protéger ses droits. Ce service vise notamment les populations sans-domicile fixe.

Un médecin devenu startuppeur

En santé comme dans beaucoup de secteurs, la connaissance des réalités du terrain est nécessaire pour proposer une innovation adaptée. Mounir Ghedbane, passé par 21, s’est servi de ses quinze années en tant que médecin du travail pour lancer Sam.i. Il s’agit d’une application qui permet le suivi d’une personne en arrêt maladie dans son projet de retour à l’emploi et ainsi la mise sur pied d’un parcours d’accompagnement. Les professionnels consultés peuvent entrer les informations de suivi dans l’application. Sa solution permet donc d’éviter une exclusion professionnelle et sociale en conséquence de la maladie. 

Mounir Ghedbane, fondateur de Sam.i. Source : 21.Mounir Ghedbane, fondateur de Sam.i. Source : 21.

Il raconte avoir eu l’idée de cette innovation lors de consultations : « Je recevais des gens qui ne savaient pas qu’ils pouvaient bénéficier d’un accompagnement pour préparer leur retour au travail », raconte-t-il.

Partir du terrain pour innover

Cette nécessaire prise en compte du terrain, Martjin Pinau en a également bien conscience. Il est responsable du programme intrapreneurial de l’accélérateur 21 et suit donc des projets de salariés ou de bénévoles de la Croix-Rouge : « C’est unrenversement de la table pour la Croix-Rouge qui est une organisation pyramidale », estime-t-il. « Avec 21, nous essayons de court-circuiter cela en faisant en sorte que des gens de tout en bas puissent faire remonter des idées tout en haut ».

L’objectif du programme, ici, est donc de diffuser les outils nécessaires mais aussi l’esprit entrepreneurial à des personnes du terrain qui ont une idée novatrice. Une partie des solutions accompagnées répond également aux grands défis de santé, que ce soit les déserts médicaux ou la question des changements d’usages liés au numérique. Bus de téléconsultation, visite de personnes âgées… Un certain nombre des solutions concerne le domaine de la santé et ont eu une application directe au sein du réseau de la Croix-Rouge.

Les limites de l’innovation

Mais est-ce que l’innovation est une réponse à tous les maux ? « Nous ne sommes pas des béni oui oui de l’innovation », juge Martijn Pineau. « Pour certaines questions, les professionnels n’ont pas besoin d’innovation. Ce n’est pas la réponse à tout ». Dans cette quête d’innovation, il est également essentiel de prendre en compte la question de l’accessibilité notamment des outils numériques. « Cela nécessite d’accompagner les gens sur l’accessibilité au numérique », estime Mounir Ghedbane, fondateur de la solution Sam.i. Car le numérique est une réponse à de nombreux défis mais il peut également être source de clivages.

Bref, Mounir Ghedbane en est convaincu : l’humain doit toujours être au centre si l’on veut créer une innovation qui ait un véritable impact.

 

Théo Nepipvoda

 

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