D’un laboratoire japonais tourné vers le cardiovasculaire à un laboratoire mondial leader en oncologie : la mue entamée il y a quelques années par Daiichi-Sankyo est déjà bien avancée, grâce à un riche pipeline et à un renforcement des collaborations internationales, où la France prend toute sa part.
« Nous avons l’ambition de devenir l’un des leaders mondiaux en oncologie d’ici 2025. » Réaffirmé par Ken Takeshita, directeur de la R&D de Daiichi Sankyo, à l’occasion d’une rencontre avec quelques journalistes à Paris ce 23 mars, ce défi est l’objectif ultime du groupe japonais, qui, il y a encore quelques années, était essentiellement actif dans le domaine cardiovasculaire. Ce virage stratégique a démarré il y a plus de dix ans par d’importants efforts de recherche, le groupe s’enorgueillissant d’avoir conçu et développé en interne tous ses principaux produits. Aujourd’hui, la très grande majorité des programmes cliniques de Daiichi Sankyo est orientée vers l’oncologie, avec comme actifs phares, trois anticorps conjugués (ADC – anticorps monoclonaux reliés à un agent cytotoxique). Le premier d’entre eux, Enhertu® (trastuzumab deruxtecan), est déjà commercialisé, en partenariat avec AstraZeneca, dans une quarantaine de pays dans le cancer du sein métastatique HER2 positif. Même si une part importante de ce pipeline n’est encore développée qu’au Japon, « notre objectif est que toute nouvelle molécule fasse l’objet d’un plan de développement global ».
Ken Takeshita, directeur de la R&D mondiale de Daiichi Sankyo : « Notre objectif est que toute nouvelle molécule fasse l’objet d’un plan de développement global. »
La France premier partenaire en oncologie
Nommé directeur de la R&D globale depuis un peu plus d’un an, Ken Takeshita a inscrit la France au menu de sa première visite en Europe, et ce n’est pas un hasard. Même si le siège européen du laboratoire japonais est localisé à Munich en Allemagne, la France est le premier pays hors Japon pour les investissements du groupe en recherche clinique en oncologie. 20 essais y étaient ouverts et six en préparation en 2021. Le centre de lutte contre le cancer de Villejuif (Val-de-Marne) Gustave Roussy est même son premier partenaire de recherche clinique au niveau mondial.
C’est également la France, en compétition avec la Suisse et le Royaume-Uni, qui a été retenue pour l’ouverture en Europe d’un hub R&D. Celui-ci regroupe déjà une quinzaine de collaborateurs dans les locaux de la filiale française du groupe, à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine), cinq autres sont en cours de recrutement. « La France est déjà très attractive pour la recherche clinique, avec ses excellents chercheurs et centres en oncologie et ses structures académiques très solides, commente le dirigeant. Mais il y a peut-être encore des marges de progrès sur les délais de démarrage des essais. »
Des ambitions mondiales
Pour passer du statut de laboratoire japonais à celui d’acteur mondial et afin d’acquérir l’expérience nécessaire pour aborder les marchés internationaux, Daiichi Sankyo s’est associé dès 2019 à AstraZeneca pour le développement et la commercialisation mondiale d’Enhertu®. Un deuxième accord ayant été signé en 2020 pour son deuxième ADC, Daiichi conservant pour ces deux produits les droits pour le Japon et la responsabilité de la production et de l’approvisionnement mondiaux.
Présentant un potentiel à long terme de thérapie ciblée tissu-agnostique, Enhertu® pourrait à court terme rebattre les cartes de la prise en charge des cancers du sein métastatiques. Ce médicament est en effet le premier à démontrer une efficacité clinique chez des patientes dont la tumeur exprime faiblement HER2, jusqu’ici inéligibles aux thérapies ciblées classiques. Les premiers résultats de l’étude de phase III pivot DESTINY-Breast04, annoncés fin février dernier, appuieront une demande d’accès précoce en France dans cette nouvelle indication, ainsi qu’une demande d’AMM européenne que le groupe espère décrocher en 2023. Ken Takeshita se montre confiant : « Au vu des résultats que nous allons annoncer en 2022, notre pari de devenir un leader mondial en oncologie ne paraît déjà plus si ambitieux, mais au contraire très réaliste. »
Julie Wierzbicki