Les tests génétiques sont devenus un outil majeur non seulement pour détecter certains cancers féminins mais aussi pour cibler le traitement adéquat, même s’ils restent à manier avec précaution.
Un cancer féminin, du sein, des ovaires ou de l’utérus, est détecté chaque année en France chez près de 70.000 femmes.
Plus de 80 gènes associés à l’émergence d’un cancer ont été identifiés; 13 sont des facteurs de prédisposition aux cancers du sein et de l’ovaire. Ces prédispositions peuvent être héritées le plus souvent d’un des deux parents et, parfois, transmises à ses enfants.
Environ 2 femmes sur 1.000 en France auraient ainsi une mutation de certains gènes, dits BRCA1 et BRCA2 (pour BReast CAncer), qui augmente fortement le risque d’un cancer du sein ou de l’ovaire, même avant 40 ans.
L’histoire de l’actrice américaine Angelina Jolie est devenue emblématique. A 39 ans, elle a annoncé, en 2013, sa décision de subir une ablation des seins, car elle était porteuse d’une mutation BRCA1. Sa mère, sa grand-mère et sa tante étaient décédées de cancers du sein et des ovaires.
Si des antécédents familiaux peuvent évoquer une forme héréditaire ou si leur cancer apparaît à un âge précoce, certaines femmes peuvent se voir proposer un test génétique.
– “Délais raisonnables” –
“On voit depuis plusieurs années une augmentation des consultations d’oncogénétique”, déclare à l’AFP Thierry Breton, directeur général de l’Institut national du cancer. L’Inca a “développé ces consultations” et travaillé pour permettre “des délais raisonnables”.
Pour Dominique Stoppa-Lyonnet, chef de service de génétique à l’Institut Curie et enseignante à l’université Paris Cité, “il y a une augmentation des besoins de tests BRCA, et on élargit progressivement les critères pour les proposer”.
“On essaye de tester en première intention certaines femmes atteintes d’un cancer du sein ou de l’ovaire”, afin d’être le plus informatif pour les membres de leur famille indemnes, explique-t-elle à l’AFP.
Ou “s’il y a une histoire familiale très évocatrice mais pas de certitude et une femme qui s’interroge sur une chirurgie mammaire de prévention, on fait les tests avec l’idée que cela l’aidera dans sa décision”, ajoute-t-elle.
Etre porteuse d’une altération ne signifie pas que l’on développera automatiquement un cancer, mais que le risque est accru pour soi voire d’autres membres de sa famille. Inversement, un résultat négatif n’écarte pas tout risque: une mutation peut n’être pas décelée par les techniques actuelles, ou une anomalie génétique n’être pas encore connue.
Outre leur apport en prévention et diagnostic, des tests génétiques ont, dans certains cas, un intérêt pour adapter les traitements.
“Impensable désormais de traiter les cancers du sein et de l’ovaire sans les informations sur les gènes BRCA1 et 2 et HRD pour les cancers de l’ovaire”, affirme à l’AFP Pascal Pujol, chef du service d’oncogénétique du CHU de Montpellier et président de la Société française de médecine prédictive et personnalisée.
– “Faux positifs” –
Ce médecin vante “des thérapies ciblées qui permettent de diminuer le besoin de chimiothérapie ou le risque de récidive”. Il évoque notamment des médicaments qui bloquent la réparation de l’ADN dans les cellules tumorales et provoquent la mort cellulaire.
Pour “assurer à toutes les patientes (…) la meilleure thérapeutique”, l’association de patientes BRCA, dont il est membre, clame qu’il y a “urgence (…) d’accéder aux tests diagnostiques génétiques et aux signatures génomiques” et s’inquiète d'”un système de financement à bout de souffle”, dans un récent courrier au ministre de la Santé Olivier Véran.
Vu les enjeux, la qualité des tests de dépistage et de diagnostic est cruciale.
“La pertinence et l’adaptation du traitement sont très importantes. Mais il faut des tests robustes scientifiquement, sinon on risque de priver certaines femmes d’une chimiothérapie dont elles auraient eu besoin”, souligne le président de l’Inca.
Dominique Stoppa-Lyonnet prône des tests “de qualité” pour “des personnes informées, accompagnées, protégées”.
Et attention aux tests ADN à partir d’échantillons de salive possibles à faire à l’étranger, via internet.
Ils peuvent donner “des résultats à l’interprétation mauvaise ou des faux positifs”, avertit Dominique Stoppa-Lyonnet. “La personne se retrouve seule face à une information parfois faussement rassurante ou très angoissante”, abonde Thierry Breton.