Si les industriels s’emparent aujourd’hui du microbiote, le secteur reste encore largement sous-exploité du fait de nombreux freins économiques et réglementaires. Un sujet dont le projet Demain, mené par Bpifrance, s’est emparé. Retour sur les différents domaines d’application de ces petits microbes pas comme les autres…
Source de nombreuses applications industrielles dans les domaines de la santé, l’alimentation et la cosmétique, le marché du microbiote est aujourd’hui estimé à pas moins de 60 milliards de dollars. Un secteur en pleine explosion et désormais très prisé des grands groupes tels que Danone, BEL, Lesaffre, Sanofi ou L’Oréal qui développent de plus en plus de projets pour nous permettre de mieux profiter du bénéfice de ces micro-organismes.
Si nous savons aujourd’hui qu’il est primordial de prendre soin de notre microbiote, ou plus communément appelé flore intestinale, on connait moins son rôle dans la santé de notre peau. Bouclier face aux agressions externes telles que les UV ou la pollution, le microbiote cutané forme avec notre épiderme un véritable biotope. Mais il n’en demeure pas moins fragile et, à l’image de la flore intestinale, peut être rapidement perturbé. Un déséquilibre qui peut entrainer des dommages sur la peau comme des micro-inflammations, des pellicules, de l’eczéma ou encore de l’acné. Aujourd’hui, le secteur de la cosmétique, et notamment L’Oréal, ambitionne “d’identifier spécifiquement les molécules qui agissent positivement sur la peau et son microbiome “, précise le géant de la cosmétique. Plusieurs solutions existent : les prébiotiques, qui nourrissent les “bonnes bactéries”, les probiotiques qui sont des micro-organismes vivants ou encore les post-biotiques, des molécules issues ou produites par les micro-organismes. Dans un futur proche, des cosmétiques et soins inédits pourraient même compléter les routines d’hygiène cutanée.
“Le microbiote offre un champ d’innovation extraordinaire pour les entreprises”
Coté alimentation, Danone a entamé, depuis 2019, un vaste projet pour favoriser de “ meilleurs moyens de nourrir notre intestin ” via l’initiative THDMI (Human Diets & Microbiome), un programme international de science citoyenne sur les microbiomes. Celui-ci a pour objectif de découvrir les meilleurs régimes et aliments pouvant nourrir notre intestin, en utilisant les dernières technologies de séquençage. Selon Liliana Jimenez, directrice de l’innovation, des sciences et de la nutrition chez Danone Nutricia Research, ce programme constituera un pilier essentiel pour concrétiser notre ambition de faire en sorte que la santé passe par l’alimentation autant que possible. Nous pensons que la science appartient aux gens – cette initiative leur donnera l’opportunité de devenir des citoyens scientifiques et de contribuer à la santé par la révolution intestinale.
“En outre, le microbiote et plus généralement la fermentation offrent un champ d’innovations extraordinaires pour les entreprises de l’agroalimentaire : startups du kéfir, du kombucha ou des légumes lactofermentés mais également dans le cadre de projets collaboratifs comme METAPATH“, ajoute Ariane Voyatzakis, responsable du secteur agroalimentaire chez Bpifrance. Ce nouveau projet structurant pour la compétitivité des entreprises françaises est le fruit de l’association entre Abolis Biotechnologies, Bel, Lesaffre et le laboratoire Toulouse Biotechnology Institute (INSA Toulouse/CNRS/INRAE). Il vise à mettre en lumière le fonctionnement des écosystèmes microbiens utilisés dans l’industrie agroalimentaire afin de concevoir des produits plus naturels, sains et éco-responsable.
Des freins économiques et réglementaires
Si la France est à l’origine de nombreuses initiatives, elle subit depuis quelques années une perte de vitesse par rapport aux Etats-Unis, Israël ou certains pays asiatiques, au regard du nombre de publications scientifiques et des startups en croissance. Isabelle de Crémoux, dirigeante de Seventure – un fonds de capital-risque leader mondial du microbiote qui compte 27 startups du domaine dans son portefeuille – confiait d’ailleurs lors de la 7e édition de Big en octobre dernier que “les États-Unis sont largement avantagés en raison des sommes injectées dans la recherche académique et par les investisseurs privés“.
Le projet Demain de Bpifrance pointe également du doigt le manque important de moyens octroyés à la recherche publique française afin de mener des travaux fondamentaux nécessaires à la connaissance scientifique. Enfin, d’importants freins réglementaires entravent le développement du secteur. Parmi eux, les règlements européens sur les allégations de santé et Novel Food avec des mises en œuvre très restrictives, ainsi que la complexité des autorisations administratives permettant de mener des études cliniques en France. A l’inverse, la reconnaissance d’un statut particulier “Live Biotherapeutic Products”, développé aux Etats-Unis, est très incitatif en prenant en compte les spécificités du secteur dans la délivrance des autorisations de mise sur le marché.
Malgré ces freins, une nouvelle offre de tests cartographiant de la diversité du microbiote se développe (Nahibu, GMT, Integrative Phenomics ) à destination de tout un chacun. Ces sociétés proposent des programmes nutritionnels correctids en association avec les résultats de ces cartographies. Cependant, rares sont les médecins français à les proposer à leurs patients, car ces tests ne sont pas adaptés selon certains d’entre eux. “Le potentiel de développement de produits thérapeutiques issus du microbiote, pour traiter de plus en plus de pathologies, est immense. Il est donc important de soutenir cette filière du microbiote notamment dans le secteur de la santé“, note quant a elle Aïcha Douhou, responsable sectorielle santé chez Bpifrance.