Lifen a davantage à offrir aux professionnels de santé que sa seule messagerie sécurisée. C’est le message qu’envoie la startup, qui a récemment lancé la commercialisation d’une plateforme visant à faciliter l’intégration de solutions numériques dans les établissements médicaux. Elle annonce avoir levé 50 millions d’euros auprès de Creadev, Lauxera Capital Partners, Partech, Serena ainsi que la MACSF, pour « lever les freins qui subsistent dans la transition numérique » du secteur de la santé. Une série C qui fait grimper le total des fonds levés par la startup depuis sa création, en 2015, à quelque 77,5 millions d’euros. De quoi consolider les produits existants, tout en amorçant son internationalisation en Europe.
Diffuser plus largement l’innovation en santé
C’est en constatant que la pression qui s’exerce sur le système de santé, du fait notamment du manque de soignants, n’a de cessé d’augmenter que les co-fondateurs Franck Le Ouay, co-fondateur de Criteo, et Alexandre Huckert ont, « dès la création de Lifen, eu l’ambition de les soulager grâce aux outils numériques » . Or, l’intégration de ce type de service peut prendre 9 à 18 mois. Sans compter le fait que les projets sont le plus souvent menés de manière cloisonnée, hôpital par hôpital. « Dans le secteur bancaire, des acteurs ont absorbé plusieurs services pour les proposer sous forme d’API unifiés. Ce qui n’existait pas en santé. Nous l’avons donc fait, en tenant compte des contraintes du domaine comme la confidentialité » , précise Alexandre Huckert, jugeant que sa plateforme permet de « mettre les technologies au service de nombreuses indications médicales ». Et, ainsi, de lever un certain nombre d’obstacles.
Dans les faits, n’importe quelle entreprise développant un service numérique à destination des médecins ou de leurs patients peut le proposer sur l’outil de Lifen. S’ancrer dans les pratiques des médecins, accéder aux données des hôpitaux, répondre aux contraintes règlementaires… Lifen met à disposition de ses clients l’expertise acquise au cours de six ans de déploiement de sa messagerie sécurisée, utilisée par 2 millions de patients tous les mois. « Notre plateforme accueille quelques dizaines d’applications à date, ce qui correspond à peu près au même nombre d’entreprises » , relève Alexandre Huckert, précisant que celles-ci s’adressent tantôt aux patients, tantôt aux professionnels de santé. De l’aide au diagnostic à la gestion des interactions médicamenteuses, le panel est large. Parmi les solutions figurent Betterise – rachetée par Resilience, il y a peu –, qui développe une solution de télésurveillance et suivi thérapeutique, ou Vik, à l’origine d’un compagnon virtuel qui répond aux questions des patients au sujet de leur maladie ou leur traitement.
L’implantation de la startup dans quelque 600 établissements de santé français – dont la moitié des 30 centres hospitaliers universitaires (CHU) –, avec sa messagerie sécurisée, lui donne un avantage stratégique en vue du déploiement de solutions. « Nos clients se connectent à notre boîte à outils pour y mettre leur solution, qui peut alors être déployée sans délai dans les établissements où nous sommes présents » , assure le co-fondateur, qui dit avoir envisagé cette possibilité dès que la couverture de son premier service a été jugée satisfaisante. L’enjeu était de répondre aux difficultés de déploiement du numérique alors que, dans le même temps, « 400 millions d’euros ont été investis dans le domaine en France en 2020 ».
Bientôt en Allemagne et au Royaume-Uni
Lifen a largement concentré ses efforts, depuis 2020, sur le développement de cette nouvelle plateforme. Cette dernière constitue, selon les mots d’Alexandre Huckert, « le second étage de la fusée » , après la messagerie sécurisée. « L’innovation est, en matière de santé, très verticalisée puisqu’il existe plusieurs spécialités médicales. Notre service permet de mutualiser les efforts en matière d’accès au marché » , résume celui qui est aussi directeur produit de la startup, qui revendique un revenu récurrent annuel en hausse de 43 % en 2021 par rapport à 2020 – sans donner de montant. Il constitue ainsi l’axe principal de sa stratégie de développement pour les prochaines années. « Une prise de conscience s’est produite quant aux thérapies numériques. La France soutiendra la HealthTech, suite au Ségur de la santé » , note ainsi Alexandre Huckert, confirmant vouloir saisir des opportunités similaires ailleurs en Europe.
Si chaque pays dispose d’un système de santé différent, un certain nombre semble opter plus franchement pour le développement de ces services. « C’est le cas de l’Allemagne et du Royaume-Uni, où nous nous lancerons d’ici à fin 2022 » , indique le co-fondateur. Lifen ambitionne, par ailleurs, de déployer sa technologie dans « 1 500 hôpitaux et 200 solutions de e-santé d’ici à 2025 ». La startup mise sur sa série C pour réaliser « 200 recrutements pour les équipes technique, produit et commerciale d’ici à 2023 » – elle compte, à date, 160 salariés.
Si elle reconnaît avoir connu « un coup d’arrêt au début de la crise, quand les hôpitaux ont été contraints de suspendre leurs projets » , la société se dit confiante pour l’avenir car « les besoins ont été exacerbés sur le fond ». Et Alexandre Huckert d’ajouter : « Au-delà des multiples solutions qui émergent, il faut avoir quelque chose sous le capot. Notre plateforme constitue une infrastructure, qui a le potentiel d’avoir un impact systémique. »