Accès aux soins, hôpital, dépendance, handicap, organisation du système, prévention, innovation : dans le domaine de la santé, tout ou presque oppose Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Les deux candidats à l’Elysée partagent tout de même un point commun. Aucun n’a peur de bousculer les médecins de ville.
C’est la nouveauté du cru 2022 par rapport aux précédentes élections présidentielles : les aspirants à la fonction suprême ne cherchent plus à séduire les docteurs mais à satisfaire en priorité les patients, quitte à proposer des mesures très impopulaires auprès de la communauté médicale.
La montée en puissance de la désertification médicale joue dans ce changement de paradigme. Dix pour cent de la population n’a pas de médecin traitant. Ce phénomène a une répercussion directe sur les urgences hospitalières, elles-mêmes en mal de soignants.
« Temps patient ». Pour améliorer l’accès aux soins des Français, Emmanuel Macron est celui qui a tiré le plus vite et le plus loin, lors de sa conférence de presse fleuve du 17 mars. Prenant soin de ne jamais employer les mots qui fâchent, celui qui préfère parler de « temps patient » plutôt que de « temps médical » a remis en question la sacro-sainte liberté de participation des docteurs à la permanence des soins ambulatoires (PDSA). Derrière cet acronyme se cache le résultat d’une négociation ardue menée il y a vingt ans par les médecins de ville pour supprimer l’obligation des gardes les soirs, week-ends et jours fériés.
Or, cette décision a entraîné des tensions dans les bassins de vie les moins bien dotés en généralistes. La semaine dernière, le conseil national de l’Ordre des médecins a fait le constat d’une « dégradation de la couverture territoriale » dans l’accès en continu aux soins. Seuls 38,5% des praticiens de ville se sont portés volontaires en 2021 pour effectuer au moins une garde sur l’année.
Poussé par la puissante Fédération hospitalière de France (FHF) et son président Frédéric Valletoux, qui veut rétablir les gardes obligatoires pour les médecins de ville le plus vite possible, Emmanuel Macron s’est dit « prêt à mettre des moyens, mais de manière différenciée, si sur un territoire, on a des médecins qui sont prêts à dégager du temps pour refaire (…) de la continuité des soins qu’on a abandonnée dans notre pays depuis quinze ans, ce qui pose un très gros problème et crée à la fois des déserts médicaux et de la thrombose dans les urgences ». Le candidat dit « assumer un renfort massif dans les déserts médicaux avec des permanences ponctuelles dans les territoires les moins dotés ».
Marine Le Pen veut quant à elle « organiser un partenariat » entre les services d’urgences et les cabinets médicaux libéraux vers qui réorienter les patients qui se présentent à l’hôpital pour des soins pouvant être traités en ville. Une idée qui rappelle celle que l’actuel ministre de la Santé, Olivier Véran, avait défendue en 2018 (il était alors député LREM) en proposant de rémunérer l’hôpital pour chaque patient non soigné aux urgences et renvoyé vers la ville. La bronca du monde médical avait été totale.
Non remboursé. Dans quelques mois, comme tous les cinq ans, les syndicats de médecins libéraux et l’Assurance-maladie vont entamer d’âpres négociations tarifaires. Dans un contexte électoral, les politiques prennent traditionnellement position en faveur d’une revalorisation de la consultation médicale (Valérie Pécresse proposait ainsi 30 euros au lieu de 25), ce que la profession apprécie bien évidemment.
Ce n’est pas le cas d’Emmanuel Macron, qui veut sortir le plus possible de la logique du paiement à l’acte. Idem pour Marine Le Pen, qui préfère moduler le montant de la consultation selon le lieu d’installation, le rendant plus attractif dans les déserts. Une idée saugrenue pour une grande partie du corps médical, tant la sectorisation des zones sur et sous-dotées, effectué par les agences régionales de santé, est complexe et mouvante.
Côté régulation, Emmanuel Macron ne risque pas davantage de récolter les applaudissements des soignants de ville. L’hôte de l’Elysée veut restreindre les installations dans les lieux déjà bien pourvus en médecins. Ceux qui voudront y poser leur plaque malgré tout ne pourront pas proposer de soins remboursés à leurs patients. Une mesure radicale régulièrement poussée au Parlement par une partie de la gauche mais systématiquement rejetée par le pouvoir en place. Y compris ces cinq dernières années.