Arrêt des exportations de blé : “La décision de l’Inde pèse sur la santé financière des pays importateurs” Leave a comment

Le blé est sous tension. Le cours a battu lundi un record absolu sur le marché européen, clôturant à 438,25 euros la tonne, après l’annonce samedi de l’Inde de stopper ses exportations. Une décision justifiée par New Delhi par la volonté d’assurer la “sécurité alimentaire” de ses 1,4 milliard d’habitants et de garantir l’approvisionnement de ses vastes programmes sociaux, notamment la distribution mensuelle d’aliments de base gratuits et subventionnés à des millions de familles pauvres. “Il s’agit d’une mesure de correction du marché”, a indiqué dimanche le secrétaire indien au commerce, BVR Subrahmanyam “car la flambée des prix intérieurs n’est pas compensée” par l’offre et la hausse des prix était une “réaction de panique”. Si l’Inde tient à assurer une quantité de blé suffisante pour sa population, ailleurs dans le monde on s’inquiète que cette décision ne crée des pénuries. Pour Arthur Portier, consultant chez Agritel, ce n’est pas tant en termes d’approvisionnement que l’embargo indien pose problème mais bien parce qu’il fait grimper les prix entraînant avec lui ceux des autres céréales. Pour La Tribune, il revient sur les conséquences du blocage des exportations de New Delhi.

LA TRIBUNE- Pourquoi une telle décision de la part de l’Inde ?

ARTHUR PORTIER- Les marchés sont extrêmement sous tension depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les exportations ukrainiennes sont tombées à 1 million de tonnes tous grains confondus contre 5 ou 6 millions au maximum de leurs capacités du f Le marché comptait sur d’autres pays, dont l’Inde, pour pallier les conséquences du blocage ukrainien. Mais, l’Inde a été confrontée à des températures extrêmement élevées ces deux dernières semaines qui ont dégradé les récoltes. Si bien que la production devrait s’élever à 95 millions de tonnes, en baisse par rapport aux 110 millions de tonnes attendues initialement en 2022 qui permettaient d’exporter 10 millions de tonnes. Si le gouvernement indien n’a pas voulu prendre de risque et être contraint d’importer l’année prochaine.

Quels sont les pays les plus impactés ?

Des incertitudes demeurent. Premièrement, on ignore encore si ce blocage des exportations indiennes concerne tous les pays qui étaient censés les recevoir. L’Egypte, qui entretient aujourd’hui des relations assez étroites avec l’Inde, pourrait en être exemptée. D’autre part, le gouvernement indien n’a pas précisé si les 4 à 5 millions de tonnes déjà vendues mais pas encore exportées vont être envoyées aux pays qui ont passé commande*. C’est le cas notamment de l’Indonésie, du Nigeria, de la Corée du sud ou encore du Yémen qui ont acheté du blé indien et qui ne le recevront peut-être jamais. Si c’est le cas, ces pays devront acheter ailleurs ce qui tendra davantage les marchés mondiaux.

En revanche, l’inde n’est pas structurellement un pays exportateur de blé. Le pays a beaucoup exporté l’année dernière -10 millions en 2021- alors qu’il envoyait jusque-là moins d’un million de tonnes en général. Par conséquent, plus que la question de l’approvisionnement en soi, la décision de l’Inde pose la question de la santé financière des pays importateurs de blé. D’autant plus que la flambée des cours du blé emporte dans son sillage les cours des autres céréales comme l’orge et le maïs dont la tonne prenait 13 euros, lundi. En outre, cela a provoqué une désillusion du marché qui comptait sur le blé indien pour remplacer potentiellement le blé ukrainien.

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Comment combler le manque ?

D’autres pays devraient pouvoir prendre le relai même si les températures élevées suscitent des craintes dans certains pays comme le Canada. Les autres principaux pays exportateurs de blé sont les Etats-Unis, l’Europe, l’Australie, l’Argentine, mais certains tournent déjà à plein régime en termes de logistique et leurs récoltes n’arriveront qu’en novembre ou en décembre. Toutefois, aucun de ces pays ne devrait adopter une politique protectionniste, car ils savent que cela peut provoquer une famine mondiale. Ils vont donc continuer d’exporter. C’est notamment le cas de la France qui a encore une politique agricole destinée à l’export nécessaire pour certains pays de l’Union européenne et du Maghreb.

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*L’embargo indien a provoqué un véritable chaos dans un des grands ports du pays, le Deendayal Port Trust (DPT) situé dans l’État occidental du Gujarat. Des centaines de milliers de tonnes de blé y étaient bloquées mardi en raison de l’interdiction d’exporter la céréale. Quelque 4.000 camions et quatre navires partiellement chargés de quelque 80.000 tonnes de blé attendaient de pouvoir partir. Les responsables du port ont déclaré que les cargaisons arrivées avant le 13 mai, date à laquelle le gouvernement indien a notifié l’interdiction d’exporter, pourraient partir à bord de navires à destination de pays comme l’Égypte et la Corée du Sud, en vertu d’accords antérieurs. “Cependant, les camions chargés de blé parvenus au port après le 13 mai devront repartir avec la marchandise”, a déclaré Om Prakash Dadlani, porte-parole du DPT.

Coline Vazquez

17 Mai 2022, 17:20

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