Recherche et innovation : les contributions des… Leave a comment

À travail égal, les femmes ont significativement beaucoup moins de chances que les hommes de se voir créditées comme autrices d’une publication ou découverte scientifique, met en lumière une étude américaine publiée dans « Nature ».

Et contrairement aux idées reçues, ce phénomène ne s’explique pas par une moindre productivité ou contribution (liée à la maternité, à l’occupation d’un poste subalterne en laboratoire…), mais bien par leur invisibilisation, ce qui pèse lourdement sur leur avenir professionnel.

L’histoire regorge d’exemples de femmes de sciences dont le rôle capital a été minimisé, voire ignoré. Ce fut le sort il y a 70 ans de la physico-chimiste britannique Rosalind Franklin, dont la contribution cruciale à la découverte de la structure hélicoïdale de l’ADN (qui valut le Nobel aux deux autres chercheurs Crick et Watson) ne fut reconnue qu’après son décès. Ou aussi le cas de la médecin française Marthe Gautier, co-découvreuse de la trisomie 21, mais reléguée au deuxième rang dans la publication des résultats de recherche.

De 13 % à 58 % de chance en moins d’être citée

Elles sont loin d’être rares. Et tout le défi relevé par l’équipe de la professeure Julia Lane, économiste à l’Université de New York, a été de quantifier l’invisible. « Nous avons pu établir combien de femmes ne sont pas mentionnées dans les publications scientifiques », résume-t-elle.

Pour cela, les chercheurs ont établi un croisement entre les informations administratives (dont le genre) de près de 10 000 équipes de recherche rassemblant un total de près de 130 000 membres, issus de vingt universités américaines et quelques dizaines de campus, d’un côté, et de l’autre, les 40 000 articles scientifiques et plus de 7 000 dépôts de brevet réalisés par ces scientifiques. Le tout sur une période de quatre ans.

Alors que les femmes comptaient pour quasiment la moitié de l’effectif considéré (48 %), elles étaient à peine le tiers (34 %) à voir leur contribution reconnue dans les articles et brevets.

Les chercheurs calculent ainsi qu’une femme a 13 % de chance de moins qu’un homme d’être nommée dans un article scientifique auquel elle a contribué. Et 58 % de chance en moins, lorsqu’il s’agit d’un dépôt de brevet. Cet écart de traitement est « plus fort quand il s’agit d’être désigné comme co-inventeur d’un brevet sorti du laboratoire, et également plus fort pour les études à fort impact », c’est-à-dire les plus importantes, souligne le co-auteur de l’étude, Raviv Murciano-Goroff, professeur d’économie à l’Université de Boston. « C’est un phénomène très répandu, observable dans toutes les disciplines et à tous les niveaux de responsabilité », ajoute-t-il.

Les chercheurs ont par ailleurs observé la confirmation de ce phénomène en se penchant sur une autre base de données : une enquête auprès de 2 500 scientifiques, portant sur l’attribution des crédits. Près de 43 % des femmes, contre 38 % des hommes, rapportent avoir vu leur nom évincé de la liste des auteurs, et 49 % des femmes contre 39 % des hommes se plaignent d’avoir vu leur contribution sous-estimée.

Des règles obscures

« Si les gens n’ont pas de reconnaissance ou ne voient pas une issue positive pour leur carrière, ils sont enclins à laisser tomber. Les jeunes diplômées voient bien qu’elles ont moins de reconnaissance que les jeunes diplômés, et que c’est aussi le cas pour les chercheuses seniors », regrette Julia Lane.

Un troisième volet de l’étude, qualitatif, a recueilli des témoignages amers de femmes ainsi discriminées : « Cela a été l’un des pires moments de ma carrière professionnelle », confie l’une d’elles.

Ne pas se voir cité comme auteur « peut vraiment changer la carrière de quelqu’un », selon le Pr Murciano-Goroff, qui remarque à cet égard qu’un des principaux griefs des scientifiques interviewées est l’absence de critères clairs et objectifs régissant la signature d’un article scientifique. Les règles sont souvent érigées par les investigateurs seniors et peu explicitées ; la qualité de travail à produire pour être cité comme auteur reste à leur libre appréciation. « Les femmes et les groupes marginalisés doivent souvent fournir beaucoup plus d’efforts pour espérer que leur contribution soit reconnue », lit-on.

Les auteurs de l’étude jugent donc indispensable, au sein des universités et des agences de financement de la recherche, d’établir des recommandations permettant de reconnaître à leur juste valeur la contribution des chercheurs d’un laboratoire. 

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