Le nouveau cluster Paris Saclay, futur champion de la cancérologie 3.0 Leave a comment

À l’occasion de la journée mondiale contre le cancer, ce vendredi 4 février, l’association Paris Saclay Cancer Cluster (PSCC) publie enfin son acte de naissance, lors d’une présentation officielle en présence du ministre de la Santé, Olivier Véran et de celle de la Recherche, Frédérique Vidal. Évoquée par Emmanuel Macron en juin 2021, l’idée d’un écosystème fertile d’innovation santé vise à répondre aux inquiétudes nourries lors de la crise sanitaire. Face aux insuffisances constatées, fruits de trop nombreuses délocalisations, le gouvernement entend désormais promouvoir les innovations santé et… leur production en France.

Son plan “Innovation Santé 2030” doté d’une enveloppe de 600 millions d’euros mise notamment sur les clusters. En fait, il s’agit de reprendre la recette des bioclusters qui fonctionnent à Boston, Cambridge ou Bâle : réunir sur un seul site recherche académique, hôpitaux, industriels de la pharmacie, jeunes pousses biotech, ainsi que financeurs en venture ou en capital risque pour la valorisation. Le tout dans un cadre favorisant les rencontres informelles d’où naissent souvent les bonnes idées.

Le futur Boston de la cancérologie

Le PSCC – le futur “Boston de la cancérologie” évoqué par Emmanuel Macron lors de la présentation d’Innovation Santé 2030 – réunit déjà les principaux ingrédients de la recette. Dans le rôle de la recherche académique : l’organisme de recherche médicale Inserm, l’Institut Polytechnique Paris et l’Université Paris Saclay. Acteurs reconnus à l’international, ils sont les viviers de talents qui manquent aux projets industriels ou peinent à monter leur jeune biotech. Paris Saclay est la première université française dans le classement de Shanghai.

« L’université de Stanford a joué un rôle essentiel dans le succès de la Silicon Valley en amenant sur le site des technologies innovantes et les jeunes diplômés formés à ces techniques », observe Jacques Bittoun, Professeur émérite de l’Université et membre du Conseil stratégique du PSCC.

« Cela a permis aux entrepreneurs comme Bill Gates de trouver des talents sur place pour développer leur entreprise. Sur le cancer, nous comprenons de mieux en mieux les différents mécanismes de la maladie. La mission de l’université est aussi de créer les conditions pour que les recherches effectuées en son sein puissent déboucher sur des traitements et que le coût de la Santé génère ainsi des emplois en France plutôt qu’à l’étranger, comme c’est trop souvent le cas actuellement. »

Investissement industriel

Industriel de l’association, Sanofi est à l’origine du projet qui répond à la question de son directeur général Paul Hudson : alors que la France est l’un des meilleurs pays en mathématique, en intelligence artificielle et en cancérologie, comment se fait-il qu’elle ne parvienne pas à créer quelque chose autour de ça, alors qu’elle compte grand laboratoire pharmaceutique ?

Avec 40% de son budget R&D consacré à l’oncologie, Sanofi collabore déjà avec l’hôpital privé Gustave Roussy. L’idée du président de Sanofi France, Olivier Bogillot, est claire : développer un campus autour de cet institut hospitalier au top 5 mondial de la cancérologie et faire de Paris Saclay une référence mondiale en recherche et en production de médicaments contre le cancer.

« Un biocluster nécessite un centre académique de niveau international en partenariat avec des industriels prêts à y mettre des moyens, dans un lieu très identifié. Il s’agit de mettre les meilleurs chercheurs au même endroit. Et que les investisseurs privés aident ces jeunes talents à réussir. Nous allons investir à trois niveaux sur le PSCC, déjà pour permettre à ce biocluster de démarrer, puis sur des projets de recherche et, à travers notre fonds d’investissements Sanofi Venture, sur des entreprises en développement. Le PSCC n’aspire pas à héberger de nouvelles start-up en incubateur, mais à accueillir celles qui ont déjà un tour de table et une petite maturité pour accélérer leur développement. »

Le tout à 10 minutes d’Orly et à 20 minutes du centre de Paris grâce au prolongement en cours de la ligne 14 du métro parisien.

Hôpital innovant

Avec plus de mille chercheurs, Gustave Roussy est un pionnier de l’oncologie multidisciplinaire depuis cinquante  ans. Après l’analyse génétique des tumeurs et le développement de l’immunothérapie, l’institut mise aujourd’hui sur l’étude de nouveaux paramètres pour adapter la thérapie au type de tumeur et à la nature du patient.

« La bonne connaissance de la tumeur et de son micro-environnement associée aux progrès technologiques permettra d’adapter au mieux les traitements pour une médecine sur mesure, estime le Professeur Fabrice Barlesi, directeur général.

Avec la multiplication des données et les capacités de calcul mathématique, nous pouvons espérer modéliser les marqueurs de la maladie afin de mettre au point des thérapies personnalisées. Il nous faut embarquer le meilleur de toutes les sciences pour mener une recherche 3.0 à impact rapide et résoudre des questions cruciales en cancérologie

Des moyens et de la simplicité

Comme on l’entend souvent, l’innovation médicale en France souffre de l’obésité des procédures administratives et d’un manque de culture business. Tout juste nommé président du PSCC, Éric Vivier est cofondateur et directeur scientifique de la biotech Innate Pharma, spécialisée dans l’immunothérapie en cancérologie. Il connaît très bien le sujet :

« Le grand paradoxe des biotechs françaises vient du fait que si les chercheurs académiques font de belles découvertes, ils n’ont qu’une vague idée du parcours nécessaire à l’approbation d’un médicament. En immunothérapie, cela prend vingt ans et coûte 1 milliard d’euros. Nous voulons créer un lieu totem où ces pionniers puissent trouver les compétences dont ils ont besoin pour mener leurs innovations au marché sans traîner ou se décourager. »

Après Sanofi, Innate pharma sera la première entreprise à rejoindre le cluster. L’été dernier, Servier affirmait aussi à La Tribune (lire édition du 29 juillet 2021) envisager d’y installer son pôle recherche après l’annonce du plan Innovation Santé 2030. Aujourd’hui, l’association du PSCC espère accueillir 80 membres dans un an avec un objectif de 200 membres d’ici à 2027. Il lui faudra trouver les jeunes biotech et les fonds d’investissement qui manquent encore à la recette. Déjà, de grands labos pharma ont été invités à sa présentation ainsi que Rafaèle Tordjma du fond Jeito Capital. Dès que la procédure sera lancée, le biocluster manifestera son intérêt dans le cadre de la présélection du plan Innovation Santé 2030.

Le PSCC arrivera-t-il à faire revenir la France dans le classement des pays fertiles pour les industries de santé ? Les grands atouts du plan Innovation Santé : une orientation nouvelle, avec la mise en œuvre d’une recette qui a fait ses preuves ailleurs, et surtout, un vrai changement d’échelle. Encore faudra-t-il éviter l’éternel saupoudrage des moyens et des financements pour faire plaisir à tout le monde, ce qui a abouti au fil des ans à estomper fortement la visibilité et l’efficacité des anciens pôles de compétitivité.

Florence Pinaud

04 Févr 2022, 14:00

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